Vers la fin de la guerre des prix ?
Le déséquilibre entre producteurs et distributeurs.
Dans le monde agricole, comme nulle part ailleurs, c’est l’acheteur qui fait son prix, et ce, en toute impunité ! Face à quatre centrales d’achat qui concentrent 94 % du marché alimentaire national, les agriculteurs n’ont que peu de poids…
Ainsi, depuis 2017, les Etats généraux de l’alimentation ont poursuivi l’objectif de « redonner un revenu aux producteurs » à travers deux axes forts :
1- La lutte contre la « guerre des prix » et les pratiques déloyales des distributeurs. La limitation des promotions, du « seuil de revente à pertes »,… devra permettre de mettre un terme aux prix cassés et aux pressions directes ou indirectes trop fortes sur les productions agricoles.
2- L’inversion de la construction des prix afin de couvrir les coûts de production des agriculteurs et de mieux répartir la valeur au sein de la chaîne alimentaire. Cette seconde disposition consiste à mettre à disposition des producteurs une référence « coûts de productions » neutre et indiscutable dans leurs relations commerciales avec l’aval de la filière.
Ces dispositifs, proposés initialement par la FNSEA et les JA, avaient fait l’objet d’un consensus dans les conclusions des Etats généraux de l’Alimentation, puis dans le projet de loi. Selon les estimations de la FNSEA, l’ensemble des mesures destinées à revaloriser le revenu des agriculteurs n’entraînerait en guise de baisse de pouvoir d’achat pour le consommateur que 50 centimes par mois et par habitant.
Le 2 octobre, le Parlement adopte définitivement le projet de loi Alimentation. Le 17 décembre, le gouvernement présente le dernier projet d’ordonnance relatif à l’interdiction des prix abusivement bas. Après les ordonnances sur le relèvement du seuil de revente à perte, l’encadrement des promotions et la construction du prix « en marche avant », il s’agit du dernier mécanisme qui sera essentiel pour permettre de rééquilibrer les relations commerciales et de, in fine, redonner du revenu aux producteurs. Les premières ordonnances avaient été adoptées mercredi dernier en conseil des ministres. Cette dernière permettra à un juge de condamner des prix payés aux producteurs déconnectés de toute réalité économique.
De plus, JA+FNSEA ont été entendus puisque leurs propositions visant à mieux prendre en compte les indicateurs de coûts de production, les indicateurs prévus par contrat ainsi que les indicateurs de l’Observatoire des prix et des marges, sont intégrées à la nouvelle proposition de texte.
Nous attendons maintenant une publication rapide de cette ordonnance. Nous serons extrêmement vigilants quant à la conformité de son contenu par rapport à la version présentée lundi.
Intermarché signe une revalorisation du prix du lait
Sans attendre l’application des ordonnances de la loi Alimentation, Intermarché a signé 3 accords pour une revalorisation du prix du lait au producteur avec Bel, Savencia et Sodiaal. L’effort consenti « devrait permettre d’atteindre les 370 €/1000 litres à partir du 1er mars 2019 » selon Sodiaal. Seulement, pour atteindre ce niveau, il faudrait que 100 % du lait soit vendu à Intermarché… Ce qui n’est évidemment pas le cas. Et de plus, même si ce montant peut paraître meilleur, il n’est pas à la hauteur des besoins des producteurs de lait.
Côté Lactalis, pas d’engagement écrit, mais des engagements oraux de prendre en compte une partie des demandes des producteurs dans les prochaines négociations commerciales.
Au niveau européen aussi : de nouvelles règles pour protéger les agriculteurs
L'Union européenne va pour la première fois interdire plusieurs pratiques commerciales jugées "déloyales" dans le secteur de l'agroalimentaire afin de mieux protéger les agriculteurs et PME des abus de gros industriels et distributeurs. Selon un accord trouvé mercredi entre les négociateurs des Etats membres de l'UE et du Parlement européen, pas moins de 16 "pratiques commerciales déloyales" vont être interdites car "imposées unilatéralement par un partenaire de l'échange à l'autre". Le texte harmonise plus de 20 régimes juridiques nationaux au niveau européen, propose une définition unifiée des pratiques commerciales déloyales, une liste noire et un renforcement des pouvoirs des autorités nationales. Par exemple, Michel-Edouard Leclerc ne pourra plus à l’avenir plus délocaliser ses négociations commerciales en Belgique pour échapper à la règlementation française.
Un vote devra maintenant avoir lieu au Parlement européen et au Conseil pour approuver officiellement le texte, avant que les États membres ne le transposent dans leur droit national
Pour la FDSEA et les JA de l’Aveyron, sanctionner les pratiques abusives des centrales d’achat et renforcer les législations interdisant les pratiques commerciales déloyales, sont des combats essentiels. Pour vivre sereinement de son métier, pour des territoires vivants et attractifs, et surtout pour le renouvellement des générations d’éleveurs, la prise en compte des coûts de production et la reconnaissance du travail paysan doivent se concrétiser sur nos fermes, maintenant !