Visite du Préfet Xavier Doublet, chargé de mission loup

Priorité à l’élevage et au pâturage

Priorité à l’élevage et au pâturage

« Le loup on va le réguler. On va le faire de manière pragmatique, sur le terrain. Les ministères ont trouvé un accord. » expliquait Emmanuel Macron en marge de sa visite au Salon de l’Agriculture cette année.

Depuis, le nouveau référent pour le plan national d’action sur le loup, le Préfet Xavier Doublet, se déplace sur le terrain pour expliquer les récentes décisions du gouvernement et échanger avec les éleveurs sur leurs modalités de mise en œuvre. Mardi 19 mars, il se rendait en Aveyron.

Evolution des attaques de troupeaux en Aveyron

Depuis 2013, l’Aveyron est reconnu par les services de l’Etat comme territoire à « risques de prédation du loup ». 

Evolution des attaques de troupeaux en Aveyron. Chiffres DDT, du 11/3/2019.
  Attaques « loup non écarté » Victimes animales
2014 4 25
2015 14 31
2016 16 91
2017 61 217
2018 49 150
2019 2 7

« Zone non protégeable »

En Aveyron, le précédent préfet du département, Louis Laugier, a fait réaliser par l’INRA, SupAgro Montpellier et le CERPAM une étude sur les conséquences de l’adoption des moyens de protection des troupeaux sur le territoire des Grands Causses[1]. Le territoire d’étude comportait 41 communes du Sud-Aveyron, 315 fermes et 157 000 brebis, essentiellement laitières. Les conclusions de cette étude ont été rendues publiques à l’automne 2017. Pour protéger ces 315 élevages selon les préconisations du plan loup, il faudrait :

  • 3 500 km de clôtures de 3 mètres de haut,
  • 2 500 chiens « Patous »,
  • 70 emplois (installation et entretien de clôtures, surveillance des troupeaux et soin des brebis induits par la présence du loup),
  • 22 à 35 millions d’euros par an pour financer les mesures de protection (clôtures, chiens, emplois)  et leurs conséquences pour les exploitations (perte de l’AOC, achat de fourrage,…)
  • 1/3 des troupeaux laitiers stopperaient leur activité car ils passeraient sous le seuil de rentabilité. Et les troupeaux de brebis de race à viande ne résisteraient pas.

Pour comparaison, la protection du loup en France en 2018 a coûté 28,1 millions d’euros de dépense publique.

Le pastoralisme, une pratique à préserver

La pression qu’impose la présence du loup amène les éleveurs à repenser l’utilisation de leurs prairies et de leurs parcours, et parfois à abandonner le pâturage sur les parcelles trop éloignées des bergeries ou des étables. Sur le Larzac, 1 250 hectares ont déjà cessé d’être pâturés[2].

En Aveyron, les pratiques d’élevage doivent être préservées car elles sont ancestrales et vertueuses sur tous les plans. Mais elles sont incompatibles avec les mesures de protection imposées par le « plan loup ».

  • Des pâturages éloignés. Sur les causses du Sud-Aveyron, les brebis paissent sur des parcours et des sous-bois ; Sur l’Aubrac, les troupeaux montent en estives. Sur chacun de ces territoires, les distances entre les fermes et les pâtures sont telles qu’on ne peut pas rentrer et sortir les troupeaux matin et soir comme le préconise le « plan loup ».
  • Du pâturage de nuit. L’été, lorsque la température est trop importante en journée, les brebis ne broutent pas. C’est la nuit qu’elles prennent leur ration alimentaire. Cette particularité, à la fois climatique de nos zones et physiologique de la brebis, rend impossible la protection des troupeaux par des parcs fermés de nuit, sauf à arrêter totalement le pâturage pendant toute la période estivale.
  • Du pâturage plutôt que de l’achat de fourrage. Le cahier de charges de l’AOP Roquefort impose le pâturage quotidien « dès que les conditions climatiques le permettent » et interdit l’achat de plus de 200 kg de fourrages venant d’ailleurs. Si les brebis sont parquées et ne peuvent plus pâturer de nuit, alors elles ne peuvent plus répondre aux exigences de l’AOP Roquefort.
  • De beaux paysages plutôt que des clôtures « 5 fils électriques, 3 mètres de haut ». Les sols très caillouteux des causses nécessitent l’emploi de perforateurs pour enfoncer des piquets de clôtures dans la roche karstique, travail fastidieux et très couteux. Une étude faite au GAEC du Figayrol a chiffré un besoin de 73 km de clôtures, devisées 337 000 € au total.
  • Préserver la flore. La flore des causses est très sensible au piétinement et incompatible avec une concentration importante d’animaux dans des parcs de nuit. L’agro-pastoralisme empêche l’embroussaillement (buis, prunellier, genévrier,… ) et protège le maintien d’espèces fragiles et protégées (orchidées, sablines controversées, asters des Alpes…).
  • Préserver la faune. L’agro-pastoralisme, par les déjections animales, nourrit un cortège d’insectes, d’oiseaux, de reptiles,… L’agro-pastoralisme structure les espaces naturels et offre une diversité d’habitats pour toutes les espèces.
  • Préserver notre classement au patrimoine mondial de l’humanité. Enfin, notre territoire est classé à l’UNESCO au titre de « paysage culturel vivant de l’agropastoralisme méditerranéen ». Les mutations qu’impose le « plan loup » vont à l’encontre des pratiques agropastorales et rendent inopérant le fondement premier justifiant l’inscription au patrimoine mondial de l’Humanité.

La pratique de l’élevage pastoral est typique et adaptée à nos territoires. Elle impose des contraintes spécifiques pour se protéger du loup : troupeaux répartis en plusieurs lots dans chaque ferme, traite bi-quotidienne, parcours étendus et mauvaise visibilité (buissons, bois,…)…

Le Loup doit garder son caractère d’animal sauvage

Le loup était une espèce en voie de disparition en France au début du siècle dernier. La protection européenne l’a sauvé de l’extinction. Cela se comprend. La conséquence induite par cette surprotection est un changement de comportement chez l’animal qui n’a plus peur de l’Homme. Aujourd’hui, le loup attaque en plein jour, rentre dans les bergeries et même dans les villes. Opportuniste, il préfère toujours se nourrir dans les troupeaux dociles plutôt que chasser la faune sauvage. Pour la profession agricole, il faut que le loup réapprenne la peur de l’Homme.

Pour toutes ces raisons, nos territoires ne sont pas protégeables et les loups qui attaquent les troupeaux doivent être abattus.

 

[1] http://www.sad.inra.fr/Toutes-les-actualites/Adoption-moyens-de-protection-troupeaux-territoire-Grands-Causses

[2] Sondage Chambre d’Agriculture de l’Aveyron 2017.