Politiques européennes et agriculture

La future PAC se prépare maintenant !

Une PAC pour ancrer nos productions sur notre territoire

En Aveyron, l’activité agricole est structurante. Une grande part de la production agricole est transformée en Aveyron et en Occitanie. Le chiffre d’affaires de l’agriculture aveyronnaise s’élève à 1 milliard d’euros par an, et 2 milliards pour l’agro-alimentaire. Au total, le secteur réalise 1/3 du chiffre d’affaires du département.
Les 530 entreprises agro-alimentaires et les 4 abattoirs aveyronnais ont besoin de production agricole pour se maintenir et se développer. Cette production est le 1er maillon de la chaîne de création de valeur, elle maintient les populations dans les villages, elle maintient un tissu économique dense, elle crée des emplois dans tous les secteurs, elle entretient les paysages et participe à la renommée de l’Aveyron.
Mais l’Aveyron est un territoire vaste et diversifié et ses sols parfois pauvres en terre et riches en cailloux. 100 % du territoire est classé en « zone défavorisée », zone de montagne et de piémont. Ainsi, nos coûts de production sont plus élevés qu’en zone de plaine (bâtiments (terrassements, isolation…), mécanisation, alimentation des troupeaux...). Une étude de l’Institut de l’Elevage montre que le surcoût en production bovin lait en zone de montagne est de 30 % par rapport à la plaine, de 20 % en bovin viande et de 16 % en ovin viande.

Les deux précédentes réformes de la politique agricole commune (2007 et 2014) ont permis un réel rééquilibrage des soutiens en direction des zones d’élevage et défavorisées. Des soutiens majeurs avaient été renforcés : l’ICHN en premier lieu, « indemnité compensatoire au handicap naturel » versée en « zones défavorisées », mais aussi les aides liées au nombre d’animaux d’élevage des fermes (« aides couplés »). De plus, dans cette période, la « reconnaissance des actifs » a été une mesure qui a permis l’accès aux soutiens PAC des époux et épouses au sein des GAEC. Avant cette mesure, lorsqu’un couple d’agriculteurs vivait sur une exploitation, comme souvent en Aveyron, un seul était considéré comme travaillant réellement à la production agricole, l’homme dans nombre de cas, et un seul avait droit à tous les soutiens PAC. Depuis 2014, les époux travaillant ensemble dans un même GAEC ont vu une partie de leurs aides PAC doublée (non pas l’aide de base qui est allouée en fonction de la surface de l’exploitation, mais plusieurs autres aides dont la plus importante, l’ICHN).
Ainsi, pour ces différentes raisons, l’enveloppe globale des soutiens PAC aux agriculteurs aveyronnais a été de 257 millions d’euros en 2017, contre 221 millions d’euros en 2014. Autant qui a été injecté à travers l’agriculture dans tous les secteurs économiques du département.

Future PAC : un budget à la baisse et des ambitions… à la baisse

Aujourd’hui, l’institution européenne travaille à la prochaine réforme qui devra être décidée pour la période 2021-2027. Le réchauffement climatique et les attentes des consommateurs font partie des enjeux majeurs qui sont discutés à Bruxelles. Mais seule l’assurance d’un revenu solide pour les agriculteurs permettra d’engager toute la profession dans une montée en gamme de nos productions.

En mai dernier, lors de sa proposition de cadre financier, la commission avait annoncé une baisse de 5 % de budget en « monnaie courante ». C’est-à-dire sans compter l’inflation. Sur la période 2021-2027, le budget de la PAC pourrait être ainsi amputé de 10 à 15 % en valeur réelle pour le premier pilier, et de 25 % pour le second pilier, celui qui concerne l’ICHN (l’Indemnité Compensatoire de Handicaps Naturels). Ce budget annoncé pour l’Agriculture tient compte d’une part du Brexit et de la perte de la contribution du Royaume-Uni, et d’autre part, des nouvelles politiques communes souhaitées par l’Europe sur l’immigration, la sécurité et la défense. Ces politiques nouvelles seraient financées sans augmentation réelle des contributions des Etats, et donc au détriment des politiques historiques et notamment de la PAC. A ce stade de la négociation, on fait payer à la PAC plus que la facture du Brexit.

En juin dernier, la Commission européenne a rendu publique ses propositions sur la future PAC, son fonctionnement et l’attribution des soutiens. Faute d’avoir réussi à trouver un consensus parmi les Etats membres, elle a choisi la solution du plus petit dénominateur commun renvoyant à chacun, à travers un « plan stratégique national agricole », la responsabilité de mesures potentiellement impopulaires. Bruxelles part du principe que chaque pays a ses propres contraintes et spécificités et que laisser la flexibilité à chacun de choisir son modèle sera un gage d’efficacité. Pour nous, c’est un mauvais pari. A partir du moment où les conditions d’attribution des aides ne sont plus uniformisées, le modèle agricole européen risque de se disloquer, tandis que les situations de dumping social ou environnemental pourraient bien se multiplier. Cette « renationalisation » de l’un des piliers de la construction européenne prend des allures de renoncement. Sur des sujets aussi cruciaux que le réchauffement climatique ou les enjeux de santé et d’alimentation, nous avons besoin d’une vision européenne qui soit plus que l’addition de spécificités nationales. La PAC est-elle en passe de perdre son C ?

Pour les agriculteurs aveyronnais, la future PAC devra consolider les soutiens à l’élevage, aux zones défavorisées et aux productions sous signes de qualité, indispensables pour maintenir une agriculture sur nos zones, pour limiter la concentration de la production française dans les zones de plaine, pour lutter, grâce au pâturage, contre le réchauffement climatique et offrir aux consommateurs une alimentation saine et accessible.