Rapport de la Cour des comptes

Mort aux vaches !

« La Cour des comptes est une juridiction financière. Sa mission première est le contrôle des comptes de l’Etat et de l’ensemble de la sphère publique. Une mission qui s’est élargie au fil du temps à l’évaluation des politiques publiques. C’est dans ce cadre que des recommandations ont été rendues publiques en début de semaine, selon lesquelles, pour atteindre ses objectifs climatiques la France devait fortement baisser les effectifs de vaches, sans dommage pour la sécurité alimentaire puisque la consommation de viande doit baisser aussi... On aurait pu s’attendre, de la part de cette institution, à autre chose qu’un discours rabâché grossièrement, partiel et partial.

 

Partons des faits : oui, les ruminants émettent des gaz qui contribuent au réchauffement climatique, même si l’homme n’a pas inventé la rumination. Les ruminants consomment essentiellement des ressources fourragères non consommables par l’espèce humaine, essentiellement la prairie permanente ou cultivée. Les animaux, ruminants ou non, valorisent aussi des sous-produits de l’alimentation humaine. Enfin, la viande et le lait sont des sources de nutriments essentiels dans l’équilibre alimentaire, et la consommation moyenne de viande correspond aux recommandations aujourd’hui en France. Beaucoup n’ont encore pas compris que l’élevage ruminant fait partie d’un tout cohérent. Que les vaches sont liées aux prairies, que le sol est lié au territoire, lui-même lié aux paysages... Les prairies, les haies, les bosquets (si bien répertoriés par la PAC !) présents sur les exploitations d’élevage sont aussi des leviers de stockage du carbone ainsi que des espaces d’une grande biodiversité.

La Cour des comptes ne commandera pas les comportements des consommateurs. Déjà aujourd’hui, la consommation se maintient au-delà de l’évolution de la production : on produit moins et on importe plus pour satisfaire la demande. Quel intérêt pour le climat à importer toujours plus de la viande qui vient de plus loin ?!

Y aura t-il moins de vaches demain ? Oui, évidemment. D’abord le déclin du cheptel a déjà commencé : depuis le milieu de la décennie précédente, plus de 800 000 vaches laitières et viande ont disparu. Ensuite la démographie recule : avec près de la moitié des éleveurs ayant plus de 55 ans, il va se poursuivre. Mais l’enjeu n’est pas de faire du fétichisme autour d’un chiffre, mais plutôt de répondre à la demande, française et européenne, ainsi que de certains pays proches où l’alimentation est la clé de l’ordre social et du développement économique, notamment en Afrique du Nord. Ce sera possible avec des éleveurs qui gagnent bien leur vie, qui sont reconnus et respectés par la société. A partir de là, il est absolument indispensable que les autorités européennes et françaises sortent d’un discours caricatural anti-élevage, très urbain au passage, et définisse enfin quel élevage et quelle économie rurale «ils» veulent pour demain.

Pour les producteurs en milieu de carrière, pour les jeunes installés, pour celles et ceux qui s’orientent vers le métier d’éleveur, les signaux donnés dès à présent sur les perspectives à 10 ou 15 ans seront déterminants. Le monde de l’élevage a bien conscience du changement climatique : il le vit tous les jours. La détermination à contribuer positivement à cet enjeu est fondée sur une réalité simple : c’est vital pour nous-mêmes !

La Cour des comptes s’égare de plus en plus souvent dans des domaines où elle n’a ni la ressource ni les compétences. Dans un pays où la dette publique augmente de façon continue depuis un demi-siècle (3 000 milliards, une paille si j’ose dire...), on serait tenté de formuler, à notre tour, une recommandation : que la Cour des comptes se recentre sur ses missions de base et les comptes publics, comme les vaches, seront mieux gardés ».

 

Dominique FAYEL