Un mauvais départ pour la PAC

Dominique Fayel, président du groupe viande bovine au COPA COGECA était à Bruxelles hier et a assisté à la présentation de la proposition de la Commission européenne. Il livre sa réaction.

«Hier la Commission européenne a présenté sa proposition de budget pour la période post 2027. Le budget global est en hausse à 2 000 milliards d’euros, mais le budget prévu pour l’agriculture, avec 300 milliards accuse une baisse de près de 20% ! On ne peut voir plus mauvais signal pour un secteur absolument stratégique mais totalement méprisé par Ursula Von der Leyen. 

Au-delà des chiffres, le commissaire a présenté en fin d’après-midi devant le Parlement l’architecture de la future PAC. Il a dû affronter une véritable bronca de la part de députés de tous horizons politiques excédés par la baisse du budget agriculture et de ne pas avoir été écoutés sur aucun des signaux envoyés par le Parlement ! 

Le «fond unique» est confirmé, ce qui signifie que l’agriculture ne sera pas traitée par des fonds spécifiques, le premier pilier et le développement rural, mais dans un fond regroupant l’ensemble des politiques historiques, PAC et cohésion, que les États géreront dans le cadre des Plans stratégiques nationaux. 

Les 300 milliards seront toutefois fléchés, mais certaines actions historiquement dans le Développement rural seront dans le «pot commun»... La part de cofinancement par les États (et/ou régions) est prévue à la hausse à hauteur «d’au moins 30%»... pour autant qu’ils le veuillent ou qu’ils en aient les moyens dans le contexte actuel de restriction budgétaire. L’aide de base à l’hectare et les aides couplées restent financées à 100 % par l’UE. Le risque de disparité entre États selon leurs capacités financières est accru. 

La «philosophie» de la PAC change aussi. L’UE gérera moins directement et déléguera davantage l’exécution mais restera fortement prescriptrice via une obligation de «performance» climatique, environnementale et sociale. 

Les mesures évoluent aussi. L’aide à l’hectare sera dégressive et plafonnée, ce qui pourrait ne pas être choquant même si l’agriculture familiale n’était pas concernée. Les seuils évolueront probablement dans les débats à venir... L’aide couplée est plutôt confortée dans son principe, avec un seuil relevé, le commissaire évoquant à ce propos l’élevage et les zones inconvertibles. Le paiement des zones à contraintes naturelles est maintenu. La gestion des risques et la réserve de crise sont renforcées.

« Retrouver une réelle ambition pour la PAC »

A partir de maintenant, la balle passe dans le camp du Conseil (les États) et du Parlement. Les États qui maîtrisent le budget, via les contributions, devront sortir du bois. Le Parlement, même s’il n’a pas de prise sur la partie recette, peut ne pas valider le budget. A partir de la rentrée, les parlementaires vont se saisir de la PAC pour l’amender et l’améliorer. Nos organisations nationales et européennes vont également tout faire pour retrouver une réelle ambition pour la PAC. 

Au-delà des chiffres, de l’architecture et des mesures, il y a un gros problème de fonctionnement à la commission. Ursula Von der Leyen verrouille tout, le collectif des commissaires n’a que peu de prise sur les orientations, Hansen a été isolé. On assiste à une véritable dérive autocratique d’une présidente hors sol, une sorte de «Marie Antoinette» moderne. Les États membres devront se réveiller. Quand au Parlement, au vu de sa réaction inédite hier, il ne fait guère de doute qu’il va challenger cet exécutif qui fait fausse route»

Propos recueilli par la Volonté Paysanne

Publié le 17 juillet 2025